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Le diable en rit encore. | Flash Back

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AuteurMessage
Athos
♕ Je suis Athos

Est-ce que par hasard,
vous croyez que
je tiens à la vie ?

♟ Complots : 364
♟ Arrivée à Paris : 09/10/2011
♟ Localisation : paris
♟ Profession : mousquetaire




Sous le sceaux du secret
Mon coeur balance:
Jeu d'espion: Le roi !
Côté RP: Disponible
Le diable en rit encore. | Flash Back Vide
MessageSujet: Le diable en rit encore. | Flash Back Le diable en rit encore. | Flash Back I_icon_minitimeMar 30 Oct - 13:54

Le diable en rit encore.
L’ombre qui s’était appuyée contre le mur paraissait exténuée, défaite. Elle avait demandé à boire d’une voix sourde, s’était assise, et avait passé un temps très long à attendre, le regard vide, comme possédée par quelque chose ; et quelque chose de terrible, à ce que l’on croyait deviner dans les yeux clairs. L’ombre savait combien perdre ses rêves dorés pouvait être une aventure épuisante, et il lui avait fallu se débarrasser de tous les siens, de tous ceux qui auraient pu survivre sur le chemin de la capitale. Cela avait couté à l’ombre, cela lui avait couté en raison, en cœur, en foi, et en jours…

Juillet était déjà bien avancé. Juillet touchait à sa fin, oui. Olivier l’avait entendu en arrivant, et il avait été surpris du temps qu’il avait pris pour venir jusqu’à la capitale. Il n’avait jusque-là pas vu les jours se succéder, il avait avancé tantôt au pas tantôt à une allure qui crevait son cheval, bercé par ses pensées sans aucune conscience du reste du monde. Pourtant, la nuit était tombée plus de dix fois depuis son départ de sa terre natale sans qu’il ne voit la clarté du soleil au matin. Tout était passé comme dans un mauvais rêve, une noirceur qui avait recouvert le ciel et l’avait rendu aveugle et sourd au monde extérieur. Il y avait quelque chose de lourd dans l’air, quelque chose qui avait suivi le voyageur depuis son point de départ, qui se collait à lui comme la poussière à ses chausses – mais cela devait être dû à son délire plus qu’à la véritable chaleur. D’ailleurs la chaleur n’était même pas réelle, la nuit se couchait déjà et elle glaçait le cœur de ceux qui n’étaient pas encore devenu de marbre. Mais le comte n’était plus à l’intérieur qu’un roc brûlant et douloureux, et il le sentait pesant sur lui, cherchant à écraser l’ombre de cette grandeur qui aurait pu être la sienne. Il la voyait ramper sur le sol à la merci de démons, elle qui avait voulu toucher le ciel et chanter avec les anges. Il la pleurait en silence, cette ombre outragée, meurtrie, qu’il n’avait même plus le désir d’aider tant en tombant elle lui avait fait du mal. Et tout cela brûlait et asséchait, tout cela donnait si soif…

Ce que le jeune homme avait d’argent devait passer dans le paiement de sa consommation ce soir-là. Il n’avait pas même voulu jouer aux dés quand un autre gentilhomme avait tenté de lui faire faire une partie. Il était revenu à la charge plusieurs fois, et à chaque fois la réponse avait été un peu plus froide et cassante. Il n’avait pas la tête au jeu, il n’avait presque rien à jouer. Il savait que ses affaires et une lettre le recommandant l’attendaient à une adresse qu’il avait donné à son homme de confiance avant de partir, mais ces choses étaient les seules qui lui restaient, qui lui resteraient, de sa vie antérieur, et il ne pouvait pas les céder pour tout l’or du monde. Et si la lettre devait lui offrir une place de choix dans n’importe quelle compagnie et lui permettre de gagner son pain très vite, il ne pouvait jouer un argent qu’il n’avait pas encore touché. Non, il n’avait rien à jouer, ou trop peu, et il avait si soif… Pourtant l’autre revenait encore, et il fallait bien le faire partir. Olivier avait oublié de se montrer aimable un instant et la réponse ne se fit pas attendre. L’insulte venait de fuser. Lentement, très lentement, celui qui en était le destinataire leva les yeux vers l’homme à qui il la devait. Il s’était cru à l’abri de l’orgueil, il avait cru que son sens de l’honneur se serait éteint sur la route, qu’il n’y aurait plus eu le droit après ça. Il s’était trompé. Sa mâchoire se crispa et pourtant il resta terriblement calme. De la Fère était un homme d’honneur, c’était dans son sang. Il pouvait renoncer à ses rêves, renoncé à ses joies, mais il ne pouvait pas renier sa race. Il l’avait cru. Il s’était montré si bas qu’il avait cru pouvoir se refuser lui-même. Mais non, cela restait. Cela était toujours là. Cela vivait en lui. Dans sa tête, il vit son aïeul offrir son épée au roi, il vit les exploits accomplis par sa famille, il vit le visage droit et intègre de son père et sentit sa rage monter en lui. S’il était le dernier de son nom, si plus jamais un garçon ne devrait apprendre ces histoires avec lesquelles il avait grandi, il emporterait au moins dans sa tombe la certitude que ce nom glorieux le resterait jusqu’à la fin. Il était un misérable ver, une tache moisie en bas de cet arbre généalogique ; il avait trompé les siens et assassiné sans état d’âme, mais cela ne regardait que lui-même. Accepter une insulte en revanche, c’était tourner définitivement le dos à tous ce que on lui avait dit enfant. C’était oublier la façon dont s’arquait les sourcils sur la face paternelle au moindre geste déplaisant. Oublier son visage quand il avait refusé Anne, et condamné les visites de son fils à cette dernière.

Le roc renfermait quelque chose de vivant, de grouillant, de brûlant, de sanglant. Cette chose dégoulinait et pesait plus encore. Mais l’ombre sur le sol avait trouvé le moyen de se relever. « Monsieur pourrait-il réitéré son compliment à un homme de face ? » Olivier se redressa et fixa l’homme qui lui faisait face. Il était noble, il portait une épée, mais il y avait quelque chose de bien bas chez cet être, quelque chose qui le mettait bien à sa place au milieu de la vermine. Ses yeux étaient trop petits, son visage lui rappelait un rongeur, une sale petite bête. L’idée que cette chose s’était permis de porter un blâme sur sa race rendait soudain fou de rage. La tête si froide du jeune comte pliait sous une colère qui n’était plus vraiment sienne, qui appartenait à tous les siens, et qui éclatait non seulement à cause des mots lâchés par le misérable, mais qui prenait aussi naissance dans les actes du dernier de la Fère lors de ces dernières semaines. Des fantômes le pressaient, et il aurait pu tirer son épée dans l’instant, sans s’inquiéter des conséquences, s’il s’était écouté. L’autre le détailla à son tour et s’attarda sur son épée. Olivier vit un sourire mauvais se dessiner sur cette face antipathique, et il comprit que son adversaire ne doutait pas une seule seconde de sa suprématie. Il le prenait pour un ivrogne, sans se douter que l’ivrogne pourrait très bien s’être dégrisé une fois l’épée en main. Debout, face à cet homme si laid, le jeune homme se savait en pleine possession de ses capacités physiques et mentales. Il se sentait aussi frais et apte à se battre que s’il n’avait bu que de l’eau. Mais il ne voulait pas se laisser aller à la folie de sous-estimer son adversaire, même s’il se savait fine lame. « Et bien Monsieur, j’attends. » La patience proverbiale sur ses terres du jeune comte atteignait ses limites.

« Mais très certainement. Simplement, je ne suis pas certain que ce soit le lieu et le moment. Que diriez-vous de continuer cette discussion ce matin à sept heures, un peu à l’écart de la ville pour que nous puissions parler tranquille ? Je connais un endroit où nulle âme qui vive ne viendra nous déranger. »

La mâchoire toujours crispée, Olivier eut un rictus, et écouta l’autre lui expliquer où se trouverait leur lieu de rendez-vous. Il inclina la tête doucement, et retourna à son verre comme si rien ne s’était passé.

Pourtant, son esprit ne s’inquiétait plus d’une ombre sur le sol. Son esprit se demandait si cet homme serait assez habile. Il ne se donnerait pas la mort, et il se battrait pour son honneur, mais quelque chose en lui espérait qu’il ne serait pas à la hauteur. Il avait encore assez de fierté et d’orgueil pour vouloir tuer cet homme, c’était vrai, cela était resté malgré tout. Mais il ne lui restait plus assez d’espoir pour désirer survivre, et il était trop bon chrétien pour songer au suicide. Il but encore une gorgée trouvant soudain à l’alcool un goût nouveau. Oui, peut-être bien qu’il ne serait pas à la hauteur.


Le soleil s’était levé lentement, et il attendait son homme. L’air frais lui faisait du bien, il avait la sensation qu’il pourrait se battre un long moment, si son adversaire se décider à se montrer. Il avait oublié s’il préférait mourir ou vivre, mais l’idée de se battre lui était assez familière pour devenir plaisante.

Finalement, il était là. Son drôle, accompagné d’un autre qui restait un peu en retrait – son valet certainement. Olivier le détailla sans sourciller, et ne put s’empêcher de se demander ce qu’un homme avec un tel visage pouvait faire au service de ce l’autre. Les pommettes saillantes du serviteur allait mal avec les yeux de rongeurs du maître. Ce dernier avait d’ailleurs l’air fort en colère. « Ah, vous êtes déjà là Monsieur ! Bien, bien, alors allons-y, finissons cette histoire au plus vite. » Les sourcils d’Olivier se levèrent légèrement, et il soupira. Bien, bien. Ils étaient là pour se battre, qu’ils se battent. Ni l’un ni l’autre n’avait de second, cela s’arrêtait donc là. Il tira son épée et se mit en position. La colère était visible chez l’autre, sans qu’il ne fut possible pour le comte de la Fère d’en déterminer la cause. Tant pis pour la politesse. Il fut imité par son adversaire, mais pourtant, juste avant que leurs épées ne s’entrechoquent, il baissa la garde. « Je ne connais cependant pas votre nom. Je ne puis me battre contre un homme dont j’ignore le nom. Je suis Monsieur de Morville. » Olivier écarquilla les yeux. Donné un nom ? Il ne pouvait donner le sien, c’était impensable. Il s’était abandonné lui-même en quittant sa terre. Son esprit cavala à la recherche d’un nom à donner. Et puis, très simplement, il se posa sur les légendes qui avaient bercé son enfance. La mythologie, la Grèce. Il se rappela d’un nom de montagne, vu sur une vieille carte, durant ces heures passées près de la statue de marbre. « Athos. »

Il n’y avait rien sur les traits du comte qui puisse trahir un sentiment quelconque. De Morville le détailla, mais il n’insista pas, songeant sans doute que si cet homme ne voulait pas donner son nom, c’était tant pis pour lui, on n’en donnerait pas plus à sa pierre tombale. C’est avec l’assurance de sa supériorité qu’il engagea le duel. Il n’avait pas paré une fois qu’il était déjà mort.

Athos baissa les yeux vers le cadavre et soupira à nouveau. Non, il n’avait pas été plus habile que lui… Il rangea son épée. Là, là. C’était fini. Il venait de tuer un garde du cardinal, il n’avait plus qu’à se faire mousquetaire du roi. Cette idée le fit sourire, sans portant que le moindre sentiment de joie ou de haine ne monte en lui. En tournant la tête, il aperçut soudain le garçon aux pommettes saillantes qui avait accompagné de Morville. Il détaillait son ancien maître. Celui qui n’avait pas été assez habile.

Là, là. C’était fini.
© Belzébuth
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Grimaud
♕ Je suis Grimaud

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Le diable en rit encore. | Flash Back Vide
MessageSujet: Re: Le diable en rit encore. | Flash Back Le diable en rit encore. | Flash Back I_icon_minitimeMar 25 Déc - 9:29

Spoiler:


Grimaud massa son ventre, encore douloureux. De Morville n’y avait pas été de main morte. Pourquoi l’aurait-il épargné, d’ailleurs ? Il n’était rien, rien de plus qu’un chien. Oh, cette fois, le coup était mérité, peut-être. D’ailleurs, les mauvais traitements étaient monnaie courante pour les valets. Mais il n’empêchait. Grimaud n’aimait guère être réveillé de la sorte. Tant pis s’il devait déjà être sur pied depuis longtemps. Tant pis si son maître attendait qu’il accomplisse son office. Tant pis si l’on faisait attendre un quelconque noblaillon en manque de violence. Il pouvait aisément se passer de sommeil, habituellement. Il errait la nuit, sous les étoiles, et se réveillait aux aurores. Il trainait dans les bouges les plus infâmes, sous les feux de lanternes crasses, mais sortait avant même que ne rosissent les toits d’ardoises. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, allez savoir pourquoi, il voulait dormir. Il voulait trainasser, se laisser réveiller par les feux du soleil, profiter un peu de la chaleur douillette de ses misérables couvertures, de l’odeur réconfortante de sa paillasse. Ce qui, visiblement, n’était pas du goût de son maître. Qui n’avait pas hésité à le lui faire savoir. De manière plutôt violente. En lui enfonçant son poing dans le ventre, juste sous les côtes. Et s’il était dans ses torts, Grimaud considérait que cela justifiait amplement sa mauvaise humeur.

« Je parie qu’il va vous tuer. »

Grimaud ne savait pas pourquoi il avait lâché cela. Une furieuse envie de rendre coup pour coup, sans doute. De Morville lui arracha son baudrier des mains, le fusillant du regard. Son serviteur répliqua par un simple sourire, mi-sincère, mi-impertinent, inclinant légèrement la tête sur le côté. Il suffisait de ne pas prendre cela trop à cœur. Sautiller allègrement, esquiver ces invectives cinglantes, désarmer les menaces en clignant de l’œil. Masquer son amour propre bafoué, dissimuler sa colère montante, pour ne pas offrir de prise au cardinaliste, pour ne pas lui donner cette satisfaction, pour éviter les coups. A vrai dire, il ne savait pas vraiment s’il désirait la mort de son maître. Oh, il le haïssait, pour sûr. Maintes fois, il avait laisser trainer sa main bien trop près d’un poignard au fil acéré, se laissant bercer par quelques rêves audacieux. Mais non. Non. Il n’était rien. La mort de de Morville ne l’arrangerait pas. Le garde l’entretenait. Lui payait ses gages. Chichement, bien sûr. Mais enfin, il n’avait pas à se plaindre. Il pouvait survivre sans mendier, ni se tuer à la tâche. Ce qui l’arrangeait passablement. Néanmoins, il poursuivit :

« Oh, ne vous inquiétez pas, si vous perdez, vous ne perdrez pas grand-chose. Votre vie, éventuellement. Mais je ne vous la prendrai pas, je ne saurais pas vraiment quoi en faire. D’ailleurs, vous non plus, à vrai dire. »

Grimaud en était certain cette fois. Les yeux de de Morville pétillaient de méchanceté. Il l’aurait frappé, sans aucun doute. Sans aucun remord non plus, d’ailleurs. Mais son serviteur jouait avec son poignard, l’aiguisant patiemment. Oh, bien sûr, il n’essaierai pas de le tuer. Bien trop lâche pour cela. Mais un chien blessé, aveuglé par la rage, pouvait bien mordre son propre maître. Grimaud exultait. Ce coup avorté valait bien celui reçu au réveil. Avant que son maître n’ait à lui réclamer l’arme, il la lui tendit, poignée vers l’avant.

« Je doute que vous en ayez besoin. Les gentilshommes ne se servent que de leurs rapières, n’est-ce pas ? Mais c’est un fort joli ornement, si vous désirez vous pavaner avant… Eh bien, avant de vous retrouver face à votre destin ! C’est bien comme cela que l’on appelle la mort de ceux qui portent des culottes en dentelle, n’est-ce pas ? »

De Morville rangea la lame un peu plus violemment qu’il ne l’aurait fallu. Silencieusement, Grimaud se glissa près de lui, saisit son manteau, l’en habilla, preste comme une vipère. Non. Comme une couleuvre. Sa morsure était inoffensive. Il n’était guère dangereux, rampant nu dans le fumier. Mais il prenait un malin plaisir à se glisser entre les pattes des plus puissants que lui, à les horripiler par quelques morsures, à savourer leur colère qu’il sentait monter malgré eux. C’était sa revanche sur la vie, sur le sort qui favorisait les sots bien né, et le condamnait à courber l’échine devant ceux-là. Il jeta finalement un coup d’œil discret vers son maître. Il était prêt. Son long manteau écarlate dissimulait à peine ses épaules tombantes, et ses bras trop long. On aurait souhaité que les bords de son chapeau soient plus larges, pour dissimuler au moins dans l’ombre les traits chafouins de son visage, cette face de rat. Il en avait les yeux, de petits yeux sombres, fureteurs, empreint d’une certaine malignité qui faisait que l’on se sentait rapidement mal à l’aise lorsque son regard s’appesantissait sur vous. Sa longue rapière pendant négligemment à ses côtés, la poignée bien dégagée vers l’avant. Il portait de hautes bottes de cuir sombre, et des gants de velours noir complétaient le tout. Il était prêt, visiblement. Et ne doutait pas qu’il l’emporterait aisément sur ce blanc bec provincial qui l’avait provoqué. Seul Grimaud, un peu chagrin, semblait farfouiller encore, cherchant un quelconque objet oublié.

« On y va. » De Morville ne souhaiter pas attendre plus longtemps ce maudit serviteur, impudent, impertinent. Grimaud sentait bien qu’il avait les nerfs à fleurs de peau, que sa colère ne manquerait pas d’éclater, tôt ou tard. Mauvais, très mauvais ça, pour un duel. Il fallait rester maître de soi-même, si l’on voulait que notre lame nous obéisse au doigt et à l’œil. Si jamais, par malheur, la rapière du cardinaliste en venait à dériver, oh, ne serait-ce que de quelques doigts… Oh, bien sûr qu’il serait profondément affecté, affligé de la perte d’un tel homme. Pour l’instant, il fouinait encore, parmi les nombreuses affaires de son maître. Il releva à peine la tête pour répondre.

« On ne peut pas. On a oublié quelque chose. De… crucial. »

Il se releva prestement, se posa devant le garde, les mains posées sur les hanches, un sourire candide sur les lèvres. Il hésita un peu, toujours souriant. La douleur broyait encore un peu son ventre. Sa colère n’était qu’à peine retombée, son amour-propre restait toujours blessé. Mais il refoulait tout ça, au fond de son être, il dissimulait cette rancœur de plusieurs années. Ce matin là, on l’avait réveillé du mauvais pied. Mais il fallait enterrer cette mauvaise humeur, pour afficher ce sourire juvénile, presque chaleureux. Avant d’annoncer, le plus naturellement du monde :

« Il vous faudra bien un prêtre, pour l’extrême onction. Au moins pour la forme. Avant que vous n’emportiez mes gages en enfer. »

Le poing le cueilli juste sous la mâchoire, au niveau du menton.




Grimaud regardait les deux duellistes se préparer avec un intérêt non feint. Son maître aimait beaucoup jouer, mais ne mettait que rarement sa vie en jeu. Pourtant, il n’était une pas si mauvaise lame, d’après ce qu’il avait pu entendre. Il fallait croire qu’il n’avait pas suffisamment d’honneur à défendre, tout belliqueux qu’il soit. Tout l’inverse de son adversaire, visiblement. Celui-ci était jeune, assurément. Du moins, pas plus vieux que Grimaud, ou peu s’en fallait. Mais il y avait en lui un je ne sais quoi d’âgé, d’ancien… presque antique, à vrai dire. Il se tenait droit, marchait franchement. Il y avait dans son maintien quelque chose de chevaleresque, quelque chose qu’avaient perdu cette noblesse parisienne. Trop sérieux, jugea Grimaud. Trop académique, ajouta-t-il mentalement, lorsqu’il le vit se mettre en garde. A peine rompaient-ils, que la lame du provincial volait en plein cœur de son adversaire. De Morville eu à peine un hoquet de surprise, les yeux écarquillés par la stupeur, par ce froid soudain qui l’envahissait. D’un geste élégant, le duelliste victorieux retira sa lame. Le cardinaliste hoqueta à nouveau, régurgita son propre sang, sans pouvoir émettre la moindre plainte, le moindre cri. Rien que d’immondes gargouillis inintelligibles. Lentement, il s’affaissa. Sa rapière heurta le sol avec un tintement métallique. Toute force avait quitté ses doigts. Dans sa virée écarlate, tandis que s’étalait, toujours plus grande, la sinistre tache sanglante sur sa virée, de Morville palissait à vue d’œil. Finalement, il tomba à genoux, puis s’effondra, face contre sol. Mort. Raide mort. Une bien trop douce mort pour cet homme.

Lentement, Grimaud s’approcha du cadavre. Tout c’était passé comme dans un rêve. La mort était venue s’est rapidement… Et pourtant, elle ne s’était abattue que lentement sur le macchabé, presque délicatement, en silence. Sans le moindre bruit. Oui, décidemment, comme dans un rêve. Et il était là, le terrible seigneur des bouges, ce cardinaliste damné. Etendu à même le sol. Dans une flaque de sang. Le noble provincial se tenait toujours là debout, à ses côtés. Du bout du pied, Grimaud retourna le corps. Oui. C’était bien lui. Il ne rêvait pas. Malgré la pâleur, malgré ses traits contractés, il restait reconnaissable entre tous. La mort ne l’embellissait pas. Le serviteur considérait son maître, l’air détaché. Son ancien maître, rectifia-t-il mentalement.

« Je lui avais bien dit qu’il aurait besoin d’un curé, maugréa-t-il, en s’excusant presque. Et voilà qu’il emporte mes gages avec lui. En enfer. Tant pis. »

Il se détourna, lentement. Il était libre. Libre. Le mot sonnait creux. Il manquait quelque chose. Alors lui revint le souvenir de ces années passées, de ces années de liberté, avant que la malchance ne l’envoie dans les filets de de Morville. Il se souvint de ces nuits endiablées, des mauvais alcools qui coulaient dans ses veines, de la lueur crasse des lanternes dans les bouges les plus infâmes, de ces salles enfumées, de coups échangés, des vols, de ces errances, dans la Paris endormie. Etait-ce là ce bon vieux temps que l’on regrette une fois passé ? Fallait-il se réjouir de ce ventre criant famine, de la douleur de ses tripes nouées, de ces milles blessures qui diffusaient leur peine à travers son corps éreinté, de ces nuits blanches, de ces journées de sommeil, passées allongé sous quelque soupente, dans quelque écurie, sur une paillasse immonde. Fallait-il se réjouir de tous ces parasites attrapés, des crachats des bonnes gens, des menaces et de la répression du guet ? Etait-ce cela être libre ? Ne pas avoir le moindre sous vaillant ? Mendier, voler, jouer, extorquer quelques misérables piécettes pour tenir la nuit, une nuit de plus, pour acheter la prochaine bouteille de cette horrible piquette. De la folie et du rêve, voilà ce qu’était cette liberté. La folie du jeu, le rêve d’un bon repas. Grimaud jeta un bref coup d’œil à ce gentilhomme qui avait allongé son maître. Il avait bonne mine. Semblait bien fait sur lui. Un brin austère, certes, mais assurément de bonne lignée. Et donc riche. Tant pis pour le jeu, songea-t-il. Tant mieux pour les bons repas.

« Monsieur ? » Il n’osait pas vraiment déranger le duelliste. Il savait pertinemment quelle était sa place. Il était loin d’être l’égal de celui-là. Mais au diable. Cet homme là avait allongé un garde d’une seule botte. Il devait être de bonne humeur, quoique son visage restât indéchiffrable. Comme il se tournait lentement vers lui, Grimaud poursuivit :

« Monsieur est un gentilhomme, à n’en pas douter. Monsieur sait qu’honneur et dignité ne sont pas de moindres mots. »

Oui. Il fallait aller sur son terrain. Ces gens-là étaient sourds aux réclamations des plus petits. Il fallait qu’on se hisse jusqu’à eux. Et si celui-là était venu jusqu’ici défendre son honneur, en cette heure matinale, alors il était certain qu’il ne pouvait rester sourd à ces réclamations.

« Voyez-vous, une dette d’honneur me liait à cet homme là, que votre lame à fort proprement allongé. » Une dette de jeu songea-t-il. Bah. La vérité n’était faite que pour être embellie, tant qu’elle ne relevait que du passé. « Or, voyez-vous, je suis toujours tenu par ce serment d’honneur. Cette dette, que j’avais à l’encontre de cet homme court toujours, mais l’homme qui pouvait me rendre mon honneur n’est plus. Ce qui est fâcheux, j’en conviens. »

Les mots étaient un peu trop gros pour sa bouche, trop propres. Son accent rural du sud-est résonnait encore, malgré toutes ces années passées à Paris. Voilà qui n’était pas du meilleur effet, si l’on voulait imiter tous ces gentilshommes, tous ces nobliaux qui, la bouche en cœur, tournaient autour de la vérité crue, comme si elle les effrayait. De Morville ne côtoyait que peu ces gens là, mais Grimaud avait rapidement appris à les imiter.

« J’ose espérer, monsieur, et quoique mon sang ne vaille guère le votre, que vous saurez trouver une solution à cette situation pour le moins déshonorante pour votre humble serviteur que voici. »

Il pouffait intérieurement. Ce qu’il ne fallait pas faire… Mais l’homme était riche, il le sentait, d’une bonne vieille richesse héritée d’une noble lignée. Il n’avait guère d’autres choix, s’il voulait entrer à son service. Aussi, il pouvait bien pouffer, mais il lui fallait garder cette façade de marbre. Les nobles aiment le marbre.
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